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Un nouveau Conseil électoral provisoire dans la tourmente

Quatre jours après la publication de l’arrêté présidentiel nommant le Conseil électoral provisoire, Jovenel Moïse a donné investiture ce mardi, au Palais national, aux neuf membres de ce Conseil qui n’ont pas prêté le serment constitutionnel devant la Cour de cassation. Depuis l’adoption de la Constitution de 1987, les membres de tous les conseils électoraux provisoires qui se sont succédé avaient toujours rempli cette obligation avant de recevoir l’investiture du président de la République. Ce manquement grave fait suite à une série de controverses constatées dans le cadre de ce dossier. Comment ce Conseil électoral provisoire va-t-il pouvoir engager l’État et prendre des décisions au nom de l’institution ? Les autres institutions de l’Etat pourront-elles entretenir une quelconque relation avec les membres de ce CEP, étant donné le non-respect de l’article 194.2 de la Constitution qui fait obligation aux conseillers électoraux de prêter le serment constitutionnel avant d’entrer en fonction ?

Depuis la publication de l’arrêté présidentiel vendredi soir, nommant ce Conseil électoral provisoire, dont la mission première est de réaliser le référendum de la nouvelle Constitution, des voix se sont élevées pour dénoncer l’inconstitutionnalité de cet acte de Jovenel Moïse. Par lettre adressée aux juges de la Cour de cassation, la Fédération des barreaux d’Haïti a demandé à ces magistrats de ne pas recevoir la prestation de serment des membres du nouveau Conseil électoral provisoire, en raison de l’inconstitutionnalité de l’arrêté présidentiel. D’autres organisations de la société civile ainsi que des partis politiques de l’opposition ont abondé dans le même sens. Divisés sur l’opportunité de recevoir le serment constitutionnel des neuf membres du Conseil électoral provisoire, les juges de la Cour de cassation ont reporté à une date ultérieure la cérémonie prévue en la circonstance.

Comment le président Jovenel Moïse peut-il prendre sur lui la responsabilité de publier un tel arrêté au moment  où la Constitution de 1987 amendée est toujours en vigueur ? Il est certain que différents secteurs de la vie nationale expriment la nécessité depuis plusieurs années de doter le pays d’une nouvelle Constitution. Mais comment doit-on procéder pour parvenir à une telle démarche ? Discrédité par différents secteurs du pays et contesté par des couches de la population, comment Jovenel Moïse pouvait-il prétendre détenir l’autorité morale pour engager une procédure aussi complexe ? Le processus de changement de Constitution survient ordinairement en deux occasions. À la suite d’un mouvement révolutionnaire qui a mis fin à un pouvoir fort, ou lorsqu’un chef d’Etat au pouvoir dispose d’une majorité dans les deux chambres prend la décision de transformer le Parlement en Assemblée constituante. Aucune de ces deux occasions n’est pointée à l’horizon de Jovenel Moïse. Ce faux pas du président de la République va sans doute permettre à l’opposition de rassembler beaucoup plus d’énergies pour lutter contre les velléités autoritaires de ce pouvoir. Certaines institutions de la société civile qui n’ont pas l’habitude de prendre position dans les crises politiques commencent déjà à se positionner.

Dans l’histoire récente de l’institution électorale, d’autres présidents de la République avaient nommé plusieurs conseils électoraux provisoires sans succès. Les crises politiques se succèdent et prennent leur source, pour la plupart, à la suite de crises électorales à répétition. Le président Jovenel Moïse, qui dirige le pays depuis le 7 février 2017, n’a pas pu s’élever à la dimension d’un homme d’État pour résoudre la crise politique haïtienne née des contestations soulevées par l’opposition sur sa mauvaise gouvernance. Aucun accord politique n’a pu être trouvé depuis la crise de 2018.

Comment le gouvernement américain, à travers son ambassade à Port-au-Prince, va-t-il continuer à prendre position en faveur de Jovenel Moïse malgré l’évidence de son incapacité à prendre la décision la plus simple dans la gestion des affaires de l’État ?

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